voila le conte
Dans un monde où la vie est oubliée et où la joie est perdue, dans ce monde où les gens se blâment et où la vie est monotone, dans ce monde, en allumant la radio, les seules musiques qu’on entend sont des requiems. Dans mon monde, grandir est comme une maladie. Les parcs sont tels des cimetières, dévoilant des âmes en peines et des enfants au teint macabre. Dans ce monde, la technologie et la médecine ne sont que peu avancées. Dans ce monde, la mort te guette à chaque coin de rue. De nombreuses créatures veulent te prendre ta vie, la seule chose que tu aies au final. Des créatures plus monstrueuses les unes des autres. Que ce soit des arbres aux branches sanglantes qui empalent les gens sur leur passage ou encore des créatures humanoïdes à la peau noire comme la nuit, aux yeux d’or mais au cœur de pierre, aimant torturer leurs victimes avant de les dévorer. Dans ce monde vorace et solitaire, il n’y a d’autre soulagement que la mort brève et imprévue. Les journées qui passent ne sont qu’une lutte acharnée contre la décadence. Le temps est comme un fil suspendu, un véritable supplice pour qui survit à cette ignominie. Tu croyais que certains êtres fantastiques te voulaient du bien ? Tu as tors. Même les créatures aussi inoffensives que les fées trouvent un moyen pour te faire du mal. Quand tu penses fantastique tu penses magie ? Que nenni… Dans ce monde, tu n’as que ce dont la nature t’a dotée pour t’en sortir. Tu n’as que tes yeux pour pleurer. Tes larmes coulent avec acidité. Le monde est flou, morne et désillusionné. C’est tous les jours la course pour la vie. Il n’y a pas un moment de répit. Tu pensais disparaître sur le sable chaud, sous le soleil ardent. Oublie cette idée aussi vite qu’elle est arrivée à ton esprit. Car les poissons carnassiers sont prêts à sauter hors de l’eau, pour dévorer toute âme qui s’en approche trop.
Chapitre 2 : Le Temps
Il existe dans ce monde, un mal qui te happe dès ton plus jeune âge. Une malédiction qui viendrait, dit-on, toucher les plus fragiles d’entre nous. Face à tant d’insupportable, les âmes sont frappées d’amnésie. Un espace -temps qui n’est plus qu’un tourbillon d’oubli, à jamais perdu dans le néant. Dans ce monde, on pourrait croire que même les saisons sont contre toi. Peu importe où tu es sur le globe, c’est toujours les mêmes. Un hiver froid et glacial gelant les plus frêles, suivi d’un été caniculaire, asséchant pratiquement toute source d’eau et calcinant le corps de ceux qui mettent le nez dehors. Même en restant enfermé dans ta demeure, tu n’es pas en sécurité car celui qui ne voit pas le soleil pendant trop longtemps perd tout souvenir qu’il a pu avoir. Les souvenirs sont les garants d’une vie meilleure. Sans passé commun, les gens restent anonymes et inconsistant. L’avenir est condamné. Il n’y a rien eu avant, que pourrait-il y avoir après un présent noyé dans le flou amnésique des cerveaux poreux de chacune de ces victimes intemporelles ? Perdu entre le passé, le présent et le futur, incapable de réellement bouger, seul ton esprit reste mobile, rêvant sans cesse pour passer le temps. Même si tu arrives à filer entre les mailles de cette créature sans cœur ni remords, même là, cette abomination qu’est le temps, arrive à te faire vieillir. Ton visage adopte les marques d’une vie que tu n’as pas eue. Tes traits se durcissent, la vieillesse t’as ensorcelé avant même que tu sortes de l’adolescence. A peine as-tu eu le temps de souffler tes 15èmes bougies d’anniversaire que ton corps se fait plus lourd et plus lent. Des veines abominables s’installent sur tous les pores de ta peau. Tu ne reconnais que tes yeux quand tu as l’horreur d’apercevoir ton reflet. Tu n’as même pas de Dieu à prier. Quelqu’un à qui demander que tout cela cesse. Tu ne peux avoir l’impatience de revoir ta famille. Famille que tu ne connais probablement pas car la vie leur a été ôtée. Ta seule consolation dans cette vie pitoyable est de ne ressentir aucun regret, aucune nostalgie. Ta vie jusque-là fut misérable et elle restera jusqu’à ta mort, un trou obscure et moite dans lequel aucune âme humaine ne souhaiterait s’y perdre.
Chapitre 3 : Le Voyage
Dans ce monde il existe aussi une vieille légende à qui les gens ne prêtent pas souvent attention. Une légende porteuse d’espoir que les gens préfèrent oublier. La plupart des gens préfèrent rester là où ils ont vécu car ils ont souvent trop peur de l’inconnu. De ce fait, aucun héro n’a jamais eu le courage de cartographié ce monde. Cette légende ancestrale raconte qu’il existerait un univers où les gens aiment tant la vie que l’angoisse la plus insoutenable est de savoir que l’on va mourir. La fatigue ne se transforme pas en souffrance. Non, dans ce pays lointain, les gens vont se reposer dans des endroits ensoleillés et fleuris en prenant le temps de respirer et de s’amuser. Ils appellent ça « partir en vacances » et tout le monde le fait là-bas. Dans ce vieux conte pour enfant, il est dit que des créatures frêles et sans défense dominent ce monde qui n’a à priori rien à voir avec le nôtre. Il est dit que chaque jour, les gens apprennent de nouvelles choses et qu’ils ont soif de découverte. Chose étonnante, ces créatures qui ont dominé le monde, l’aurait fait à la seule force de leur intelligence. Cela m’étonnerait que de telles créatures aient pu atteindre un stade d’évolution aussi avancée. On raconte même que là bas, la nouveauté ne rime pas avec terreur. Dans mon monde chaque créature cachée derrière un arbre n’est là que pour me dévorer. Dans le pays en question, les gens s’amusent à se faire des « surprises ». Ils se réjouissent à l’idée de ne pas savoir ce qui va advenir. Ils n’ont pas peur de faire des rencontres car ils ont confiance en l’humanité. L’étranger n’est pas un danger mais au contraire, un ami potentiel. Dans ce monde folklorique, il est dit qu’ils parlent des centaines de langues. Je trouve ça stupide mais bon… On raconte même qu’ils ont une monnaie universelle qu’ils appellent « argent ». Je n’arrive pas à comprendre pourquoi un objet appartiendrait à une personne en particulier plutôt qu’au collectif. Mais dans ces histoires qu’on nous raconte, ce que je trouve le plus aberrant c’est que les gens qui vivent là-bas s’attachent aux gens et se sentent déchirés en cas de séparation. Plutôt que de ne compter que sur eux même, ils ont parfois plus d’espoir en la personne aimée. Le chemin boueux que représente le couple pour moi se transforme en road trip fabuleux où chacun s’inspire de l’autre. On raconterait que la vie, plutôt que d’être une lutte acharnée à chaque pas posé devant l’autre, serait une aventure merveilleuse que chacun enrichirait au rythme de ses désirs. Quand je lis ces histoires et que je vois notre monde, cela m’emplit d’autant plus de désespoir.